Guérir du cancer colorectal
Dépisté à temps, le cancer colorectal n’est pas une fatalité. Une prise en charge multidisciplinaire et proche du patient permet un avenir en santé dans la majorité des cas.
Le tube digestif, cet organe essentiel, est une véritable usine énergétique. Il s’étend de la bouche à l’anus et procède à la fascinante transformation des aliments en nourriture essentielle à la survie: les nutriments. Pratiquement au bout du tube, la plus longue partie du gros intestin, le côlon, joue un rôle déterminant: il reçoit la nourriture digérée en amont pour en absorber l’eau et les nutriments puis faire passer les déchets en aval, dans le rectum. Le rôle principal de ce dernier est de stocker les matières fécales jusqu’à ce qu’elles puissent être évacuées par l’anus. Leurs dysfonctionnements peuvent ainsi affecter de manière importante la santé globale d’une personne. Parmi eux, le cancer colorectal est un véritable problème de santé publique qui concerne autant les femmes que les hommes. En Suisse, il figure parmi les trois cancers les plus fréquents avec environ 4000 nouveaux cas et 1600 décès par an. Les facteurs de risque connus sont le surpoids, la sédentarité, la mauvaise alimentation, l’alcool, le tabac et dans une moindre mesure les maladies inflammatoires de l’intestin et les prédispositions familiales génétiques. Une certitude: le risque de développer un cancer colorectal croît de manière exponentielle avec l’âge.
Lorsque ce cancer bouleverse la vie, une prise en charge multidisciplinaire adoucit l’adversité et il est possible de se rétablir dans la majorité des cas: le taux de survie à cinq ans est de 70%. Cette maladie intervient surtout après 50 ans et le dépistage est fortement recommandé dès cet âge. Les spécialistes du Centre digestif La Source expliquent comment mettre toutes les chances de son côté pour retrouver la santé quand il survient, ou, mieux encore, comment augmenter ses chances de l’éviter.
Le dépistage, un inconfortable essentiel
Les polypes, des excroissances qui se développent sur la muqueuse intestinale, sont la plupart du temps asymptomatiques. Néanmoins, ils peuvent évoluer vers un cancer, c’est pourquoi il convient de les détecter pour pouvoir les éliminer. La méthode de choix est la coloscopie, elle consiste à introduire une caméra dans le côlon via l’anus pour les déceler. Une approche complémentaire consiste à détecter des traces de sang dans les selles laissées par les polypes et les tumeurs naissantes, mais il est difficile de voir les saignements à l’œil nu. «On appelle cela du sang occulte. Un test immunologique nommé FIT permet de déceler un saignement colorectal, explique la Dre Aurélie Sivade, oncologue au Centre digestif La Source. Des symptômes plus sévères comme une perte de poids, un changement récent du transit tel que des diarrhées fréquentes ou une constipation persistante, des douleurs abdominales ou du sang visible dans les selles indiquent la plupart du temps que le cancer est déjà localement avancé. Le dépistage est donc hautement conseillé, il divise par deux le risque de décès.» Autrement dit, il ne faut surtout pas attendre la présence de symptômes invalidants avant d’effectuer un contrôle.
«Le dépistage est hautement conseillé, il divise par deux le risque de décès»
La Ligue suisse contre le cancer recommande un FIT tous les deux ans et/ou une colonoscopie tous les dix ans. La Dre Sivade abonde dans ce sens et renforce cette recommandation: «Optez pour le test FIT et faites également la coloscopie de dépistage. Malgré le caractère peu attrayant de la coloscopie, il est crucial pour toute personne dès l’âge de 50 ans de la réaliser. Le diagnostic précoce permet une prise en charge efficace, évitant ainsi des traitements ultérieurs lourds.» Elle insiste sur le fait que retirer un polype cancéreux à un stade précoce garantit souvent une issue favorable. Dans tous les cantons romands, le dépistage du cancer colorectal est intégré dans un programme global de prévention. Le dépistage est remboursé par l’assurance maladie de base hors franchise. Seule la participation aux frais de 10% est facturée.
A quoi s’attendre?
Le test de recherche de sang dans les selles FIT peut être demandé auprès d’un médecin ou d’une pharmacie. Il est simple à réaliser et les analyses effectuées par des biologistes en laboratoire produisent des résultats fiables. Quant à la coloscopie, elle permet d’examiner le rectum, le côlon sigmoïde, l’ensemble du côlon ainsi que la fin de l’intestin grêle. Au cours de cet examen d’imagerie médicale, les gastroentérologues visualisent les polypes s’il y en a et peuvent les enlever totalement ou partiellement au cours de l’examen pour les analyser. La présence d’anomalies comme les polypes et les diverticules – de petites hernies – ne veut pas forcément dire que la personne est atteinte d’un cancer. Une coloscopie dure entre 30 et 45 minutes, la plupart du temps sous anesthésie générale. «Les patients sont invités par leur médecin à se préparer quelques jours à l’avance avec un régime alimentaire sans résidus, c’est-à-dire sans fibres ni farines complètes, et à prendre un liquide de lavage intestinal la veille pour nettoyer le côlon. Le jour J, c’est à jeun que les patients se présentent à l’examen», explique la Dre Sivade.
L’efficacité d’une prise en charge globale
Le traitement du cancer colorectal peut impliquer une combinaison de chirurgie, de chimiothérapie, de radiothérapie, de thérapies ciblées et, dans certains cas, d’immunothérapie, selon le stade et les caractéristiques spécifiques de la maladie. Comme pour d’autres cancers, la prise en charge thérapeutique du cancer colorectal est basée sur une discussion multidisciplinaire. Les gastroentérologues, chirurgiens viscéraux, oncologues, radiologues, radio-oncologues, pathologistes, nutritionnistes, diététiciennes et infirmières spécialisées en chirurgie viscérale se réunissent pour parler de la situation médicale des patients. Ces colloques permettent de proposer à chaque personne la solution thérapeutique la plus adaptée à ses besoins. «A La Source, tous les acteurs se réunissent une fois par semaine au Centre digestif. Grâce à la proximité offerte par notre clinique, les temps d’attente d’un spécialiste à l’autre sont réduits au minimum et un tournus de garde dans chaque spécialité nous offre une grande réactivité», se réjouit le Dr Cédric Vallet, spécialiste en chirurgie générale et en chirurgie viscérale au Centre digestif La Source.
La chirurgie colorectale moderne
Dans la majorité des cas, le traitement du cancer colorectal est chirurgical. Au fil du temps et de l’évolution de la technologie, les opérations sont devenues de moins en moins invasives. Aujourd’hui, «les médecins n’ouvrent plus les ventres», précise le Dr Vallet. Depuis les années 1990-2000, la chirurgie colorectale a été principalement menée grâce à la laparoscopie. Dans ce cas, les médecins insufflent du gaz dans le ventre et opèrent à l’aide d’une caméra. Cette chirurgie-là a évolué depuis près d’une dizaine d’années, grâce à l’apport de la robotique qui a permis d’en corriger les défauts. «En effet, nous dit le Dr Vallet, les robots nous permettent une vision en trois dimensions, toute la mobilité de nos poignets et la déviation de nos instruments du champ de la caméra pour une meilleure visibilité.» Cette méthode engendre moins de douleur postopératoire, un transit intestinal retrouvé rapidement et des cicatrices mineures.
La durée d’hospitalisation et de récupération est plus courte, ce qui est un atout essentiel, car plus courte est l’hospitalisation, plus les risques de thromboses ou d’infections chutent. Avec la technologie robotique, les patients reprennent tout de suite une alimentation complète, se lèvent plusieurs fois par jour, mobilisent leurs poumons, sortent de leur lit pour leurs besoins naturels et, dans la majorité des cas, n’ont plus besoin de morphine après l’opération.
Bouger et bien manger
Même si la prise en charge de ce cancer et le dépistage permettent dans la majorité des cas de retrouver la santé, il reste un cancer dont les traitements peuvent être lourds et l’issue potentiellement fatale. Le mieux est donc d’essayer de le prévenir. Pour cela, 10 000 pas par jour, une activité régulière d’intensité modérée comme la marche ou la randonnée en montagne, ne pas fumer et réduire les sources de stress au minimum sont recommandés, de même qu’un régime riche en fruits et légumes, en fibres et avec un apport régulier de produits laitiers. La consommation journalière de viande rouge et de charcuterie est à éviter. Pour le dépistage et la prise en charge, contactez le Centre digestif La Source ou tout autre centre spécialisé.
Yann Bernardinelli, Emilie Pralong
Parution: Le Temps, jeudi 25 avril 2024