26 May 2017 - Revue de presse

Le Temps: nous sommes condamnés à nous entendre !_

Date: 26.05.2017

 

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Pierre-Yves Maillard, nous sommes condamnés à nous entendre!

Nous faisons le même métier, avec le même professionnalisme et les mêmes technologies. Seul le type de financement diffère.

La cuvée 2017 du Forum des100, le 11 mai dernier, portait pour titre «La médecine dans tous ses états». A un moment du débat, c'est le conseiller d'Etat Pierre Yves Maillard, chef du Département vaudois de la santé et de l'action sociale (DSAS), qui a été dans tous ses états. Pour animer la réflexion, Raymond Loretan, président exécutif du groupe de cliniques privées Swiss Medical Network, avait lancé plusieurs idées. Certaines d'entre elles ont certes pu paraître provocatrices, mais est-il interdit de réfléchir? 

«Théories fumeuses», «à rebours du bon sens», «le drame du débat sur les coûts de la santé est que l'on veut toujours tout révolutionner», a répliqué le chef du DSAS avant d'asséner que les cliniques privées étaient des «commerçants de santé». Un peu offensant, non ? Ainsi, les cliniques privées ne seraient là que pour s'enrichir en vendant de la santé à ceux qui en ont les moyens, tandis que les vertueux hôpitaux publics travailleraient gratuitement au bénéfice des malades? 

Reprenons notre calme. En Suisse, les cliniques privées sont indissociables du système de santé publique. C'est évident puisque diverses conventions associent les cliniques, les hôpitaux publics et la LAMal. Les cliniques disposent en effet de lits d'utilité publique destinés aux patients dépourvus d'assurance complémentaire. Elles servent par ailleurs de soupape lorsque le CHUV est débordé - et il peut l'être, par exemple, quand il y a épidémie de grippe en hiver ou un autre problème d'infection. 

Prenez le cas de la Clinique La Source, que j'ai le bonheur de diriger: cette clinique appartient à une fondation sans but lucratif, ce qui la contraint à réinvestir tous ses bénéfices dans l'outil de travail. Sur les quelque 15 000 patients qu'elle accueille chaque année pour une hospitalisation, La Source en compte 450 à 500 assurés uniquement par la LAMal. Pour ces patients, l'Etat paie 55% des coûts d'hospitalisation, la LAMal 45%. Mais pour l'écrasante majorité des patients de La Source, l'Etat ne paie rien du tout: leur assurance complémentaire prend tout en charge. 

Ces patients privés sont-ils donc des nantis, des nababs, des émirs du Golfe ou des oligarques russes? Non: c'est vous et moi, du moins tous ceux qui ont décidé de s'offrir une assurance privée parfois depuis des décennies. Et pourquoi le font-ils? Pas uniquement pour être assurés d'avoir une chambre pour eux tout seuls et des repas fins à leur chevet. Ils le font surtout pour avoir, de bout en bout, le libre choix de leur médecin et bénéficier de la rapidité d'une prise en charge que les cliniques privées sont plus à même de garantir que le CHUV, où les listes d'attente peuvent parfois durer des semaines ou des mois. 

Mais revenons au thème principal du débat du Forum des 100: comment endiguer les coûts de la santé? Ce ne sont certes pas les cliniques qui les font exploser puisque, pour 95% de leurs patients hospitalisés, à La Source en tout cas, c'est l'assurance privée qui couvre l'intégralité des coûts. En somme, les cliniques ne coûtent à peu près rien aux finances publiques, hormis un peu pour les patients LAMal qu'elles accueillent. Au-delà des mauvaises querelles, revenons au propos initial: la santé publique et les acteurs privés sont condamnés à vivre ensemble. Plutôt que de nous tirer dans les pattes, collaborons! Nous faisons le même métier, avec le même professionnalisme et les mêmes technologies. Seul le type de financement diffère. 

Il y a déjà une quantité de domaines où la collaboration se concrétise jour après jour. Le statut de fondation indépendante et à but non lucratif de La Source a par exemple permis de créer notre Centre de chirurgie robotique La Source-CHUV, né d'un accord inédit, d'un partenariat public-privé signé en 2011. La Source met gracieusement ce robot à la disposition des chirurgiens et des patients du CHUV, dans le cadre d'un partenariat. Cela permet aux chirurgiens du CHUV de se former sur cette technique opératoire et de mutualiser certains investissements. Nous accueillons des patients en soins intensifs quand la capacité du CHUV ne suffit plus. Nous avons un service d'urgences: nous ne demandons pas aux patients arrivés en urgence s'ils sont assurés LAMal ou en privé avant de nous occuper d'eux avec une compétence maximale. Nous souhaiterions par exemple donner à notre personnel l'opportunité de faire des stages en unité de soins intensifs au CHUV. Nous pourrions aussi envisager des modèles de collaboration au niveau des médecins du CHUV qui pourraient partager leurs connaissances et leur savoir-faire entre nos deux institutions.

Mon voeu le plus cher est que se multiplient ces partenariats public-privé qui fonctionnent déjà; que le public et le privé ne se considèrent pas comme rivaux ou adversaires mais comme complémentaires. Autant essayer de s'entendre en toute occasion car, finalement, nous visons tous ensemble à offrir le meilleur au patient.

 

-Dimitri Djordjèvic, Directeur général, Clinique de La Source