16 janvier 2019 - Revue de presse

Passion Montagne : Haute montagne — Approche mentale pour une meilleure sécurité_

Conseil santé

Haute montagne — Approche mentale pour une meilleure sécurité

La pratique du sport en haute montagne est associée à une expérience de plaisir, d’épanouissement et de liberté gratifiante, raison pour laquelle elle est devenue de plus en plus populaire auprès d’un large éventail de personnes issues de tous les milieux. Avec l’arrivée de l’hiver et la reprise des sports de neige, il semble opportun de se pencher sur l’importance d’une préparation minutieuse de la saison de montagne. En effet, force est de constater, chiffres du Club Alpin Suisse à l’appui, que les sports de neige – randonnée à skis ou en raquettes, free-ride devant tous – enregistrent le plus grand nombre d’accidents (hélas aussi mortels) et que le nombre d’appels de détresse, pour la saison 2018, a augmenté de 20% en comparaison à l’année précédente. Au-delà de l’effet statistique lié à un enneigement plus important et à la hausse du nombre de randonneurs enregistrée la saison passée, les études mettent en exergue l’importance du facteur humain dans la prévalence de ces incidents. En lisant cet article, le lecteur saura identifier les principaux facteurs psychologiques qui sont associés à la prise de risque dans les sports de haute montagne, et comment il peut apprendre à les gérer.

Avant tout, il convient de rappeler que la recherche de sensations fortes — que ce soit dans le sens du vertige (glisse, vitesse) ou dans le sens de l’endurance (la défonce) — est une des motivations majeures chez les pratiquants des sports de montagne. Or, cette tendance est la plus marquée pour les pratiquants de sexe masculin que chez les filles et dans la tranche d’âge entre 15 et 24 ans, qui enregistre une tendance à la prise de risque chez 69% des interrogés. Au travers de ces expériences, les pratiquants auraient besoin de se connaître (l’expérience de soi), de se démarquer des autres (la reconnaissance) ou encore simplement d’avoir accès à des émotions (le frisson en particulier) autrement bannies de notre vie occidentale.

Deuxièmement, les études montrent que, dans plusieurs cas, c’est la maîtrise du risque et le sentiment de confiance qu’il en ressort qui constitue un facteur d’attraction à ce genre de sport. En se confrontant au risque, le pratiquant aura l’impression de mieux contrôler la source de ses peurs (le milieu de la montagne), pouvant mener à une escalade des risques, afin de renouveler l’expérience de la maîtrise.

En troisième lieu, les accidents surviennent dans des conditions et des circonstances qui ne sont pas favorables à des prises de décision lucides et raisonnées. L’optimisme concernant la météo et les conditions d’enneigement, un «biais» souvent alimenté par des impératifs d’organisation et de manque de temps, peut amener facilement à une distorsion de la perception du danger. Parfois la familiarité des pentes fréquentées entraîne un manque de vigilance ou encore la sur-confiance dans le guide ou l’effet mouton qui peuvent masquer les sensations que les individus ont d’eux-mêmes, de la situation sur le terrain et de leurs capacités propres à y faire face.

En connaissant mieux ces composantes du facteur humain, le pratiquant peut développer une capacité plus grande à faire le point avec lui-même dans les situations délicates, comme le départ lors d’une sortie ou des moments de fatigue ou encore des changements des conditions de la neige pendant la journée. Dans ces phases, des questionnements, tels que «Est-ce que je veux y aller parce que je m’y sens forcé ou parce que mon ventre me dit que j’en ai envie?» ou encore «Ai-je peur de cette pente et cette peur me bloque-t-elle ou me fait-elle me précipiter?» permettent au pratiquant de se situer, de prendre du recul et de, ensuite, répondre avec discernement. Autrement dit, ne pas être influencé par une envie de compenser à quelque chose, mais choisir d’agir libre de tout conditionnement interne ou externe.

Il convient enfin de rappeler que, dans ce cadre des sports de montagne, l’apport de la préparation psychologique est fondamental. Des outils de gestion du stress, de clarification des objectifs, de focalisation de l’attention, de planification de l’effort ou encore d’intelligence émotionnelle – que ce soit concernant ses propres émotions, que dans l’expression de ses émotions à autrui – sont autant de ressources qui aideront tout pratiquant à gérer avec doigté les moments clés et accroître son plaisir et sa sécurité dans la pratique de sa passion. Et apprendre avec patience, bienveillance et fermeté l’art de respirer et d’analyser la situation avant de s’élancer.

 

Mattia Piffaretti, PhD
Psychologue spécialiste en psychologie du sport FSP
Lecteur en psychologie du sport Université de Fribourg
AC&T Sport Consulting
C/O VidySport

Parution : Passion Montagne janvier — février 2019