2 February 2017 - Revue de presse

Générations: migraines : « Je revis grâce à la chirurgie ! »_

Date: 02.02.2017

 

Migraines : « Je revis grâce à la chirurgie ! »

Une technique consistant à décomprimer les nerfs autour de la tête peut soulager certaines céphalées chroniques. Témoignage et explications.

Claudine Antenen avait 20 ans quand sont apparues ses premières migraines. « Ma mère aussi, en souffrait. Cependant, à l’époque, c’était tabou. Je n’ai pas consulté de médecin, mais arrêté le jogging, qui déclenchait les crises, au début. » Pourtant, le mal s’est installé, avec des crises durant progressivement jusqu’à trois jours. « Elles survenaient en général en fin de semaine. Le premier jour, je pouvais encore fonctionner à peu près en prenant des myorelaxants, travailler en accomplissant des tâches peu exigeantes, raconte Claudine, qui occupe un poste de cadre. Ensuite, cela devenait insupportable ! Je devais rester au lit, dans le noir tout le week-end. Par chance, mon patron, lui-même sujet aux migraines, était très compréhensif », note cette habitante de Mézières (VD), aujourd’hui âgée de 53 ans.

 
ANGOISSE PERMANENTE

Douleurs intenables, sensibilité au bruit et à la lumière, nausées et vomissements, fatigue et irritabilité ont ainsi rythmé la vie de cette femme, comme celle de milliers d’autres patients souffrant de migraines chroniques. Car la migraine touche 18 % de femmes et 6 % d’hommes, parfois dès l’enfance, souvent dès la puberté, et majoritairement avant l’âge de 40 ans. Si l’on dispose aujourd’hui de traitements efficaces, seuls 60 % à 70 % des patients y répondent bien. « Aucun traitement ne m’a fait de l’effet à long terme », commente Claudine. J’appréhendais la crise suivante, un stress supplémentaire, alors que le stress, justement, favorisait mes migraines. Pour mon mari, ce n’était pas drôle non plus. Il devait s’occuper de tout, des enfants, faire le ménage, la cuisine pendant les crises. »

 

SANS DOULEUR APRÈS 30 ANS

Mais, depuis un an bientôt, c’est du passé ! De douleurs d’intensité 10 sur une échelle de 10, ne restent aujourd’hui que d’occasionnels maux de tête d’intensité 1, qu’elle peut maîtriser en prenant un simple antidouleur. Cela grâce à deux interventions (en février et en mai 2016) dites de chirurgie de la migraine, effectuées par la doctoresse Saja Scherer et le docteur Giorgio Pietramaggiori. Ces deux chirurgiens plasticiens FMH, accrédités à la Clinique de La Source à Lausanne, sont les seuls, en Suisse, formés à cette technique aux Etats-Unis. Ces interventions y ont été développées il y a une quinzaine d’années. « L’intervention consiste en général à décompresser les fins nerfs sensitifs de la tête, très sensibles, déclencheurs de certaines migraines. Entourés de ligaments, de muscles et de vaisseaux sanguins, ces nerfs peuvent, en effet, être coincés par ces structures anatomiques », explique le Dʳ Pietramaggiori. « On va libérer ces nerfs, soit en passant sous la peau, à travers de petites incisions ou à travers les plis des paupières, précise Saja Scherer. Par exemple, pour dégager les nerfs en dessous des sourcils souvent la cause de migraines du frontal. »

 

DÉTERMINER LE BON CANDIDAT

« Nos patients devraient déjà être suivis, dans l’idéal par un neurologue, ou un médecin de famille, et avoir essayé sans succès les traitements médicamenteux contre la migraine. Cela notamment afin que d’autres maladies pouvant causer les céphalées, telles que l’hypertension, des problèmes thyroïdiens ou musculaires, soient déjà écartées », note le médecin. Le patient sera d’abord soumis à une anamnèse détaillée et à une phase d’évaluation de trois mois en moyenne, avec des tests diagnostiques et un examen clinique spécifique. Ils vont permettre de déterminer si sa migraine est bien liée à une compression d’un ou de plusieurs nerfs, et à les cibler précisément. Si le patient souffre de migraine lors de cette consultation, le chirurgien procède à de courtes anesthésies locales dans la zone douloureuse de la tête. Parfois, le bon candidat peut ainsi être déterminé assez rapidement, comme l’a vécu Claudine: «J'étais en pleine crise et la douleur a immédiatement disparu pendant ce test. Ainsi, la cause de mes douleurs a pu être identifiée. » Chez certaines personnes, et lorsque le patient ne souffre pas de migraine lors de la consultation, d’autres tests de longue durée sont entrepris. Cela par l’injection de Botox, la toxine botulique, dans des zones douloureuses. Ensuite, le patient devra tenir un journal de ses migraines et les comparer à la situation avant le traitement, pendant deux à trois mois. Si le test est concluant, à savoir que l’intensité des migraines a diminué d’au moins 50 %, l’intervention chirurgicale peut avoir lieu.

 
CICATRICES CACHÉES

L’intervention, sous anesthésie générale, se fait en ambulatoire ou suivie d’une à deux nuits d’hospitalisation, si le cas le demande. S’ensuit un arrêt de travail de deux à cinq semaines. Après l’intervention, certaines zones traitées peuvent être insensibles, ou moins sensibles, mais les patients, dont Claudine, retrouvent en général leurs sensations en quelques semaines. Quant aux fines cicatrices, elles seront quasi invisibles, cachées dans le cuir chevelu ou dans le pli des paupières.

 
BILAN RÉJOUISSANT

Après plus d’une bonne centaine de ces interventions, le bilan que tirent les deux spécialistes est plutôt réjouissant : 30 % des patients n’ont plus de migraines, chez 50 % à 55 %, les crises et leur intensité ont diminué au moins de moitié, et leur douleur est maîtrisable avec un simple antidouleur. Seulement 13 % à 15 % des personnes opérées ne profitent que peu ou pas du tout de l’intervention, mais sans que leur état s’aggrave. « Nos confrères étaient un peu sceptiques au début, mais, voyant le résultat avec des personnes très satisfaites, ils nous envoient des patients pour qui cette chirurgie peut être la bonne solution », notent les deux médecins. Quant à Claudine, elle est totalement convaincue : « Je peux de nouveau marcher, sortir, aller au restaurant, sans la peur des crises, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Je peux enfin vivre ma vie ! »

ELLEN WEIGAND